
Brest au lendemain de la Libération. Devenus sans abris, une grande majorité de Brestois (Finistère) ont vécu en baraques, de petites maisons provisoires. Ollivier Disarbois y a habité de ses 5 ans à ses 16 ans, à Kerangoff. Le confort était sommaire mais il en garde d’excellents souvenirs.
Par Laurence GUILMO.
À l’été 1944, durant les bombardements, la famille Disarbois se réfugie à Plonévez-du-Faou, dans les monts d’Arrée. Elle rentre à Brest (Finistère), en 1945. « Notre immeuble était toujours debout, rue de l’Église, à Recouvrance. On avait une vue imprenable sur la rade, se souvient Ollivier Disarbois, qui a alors 5 ans. Mais le pignon était endommagé. Il a fini par tomber, un jour de décembre. » Heureusement, sans faire de blessés.
Lire aussi : Libération de Brest. Le retour des réfugiés et la vie dans les ruines
À Noël 1945, la famille – les parents, les cinq fils et le grand-père – est relogée en baraque, comme la plupart des ménages de l’époque. Une maisonnette en bois destinée à être provisoire, le temps de reconstruire des habitations en dur.
43 baraques à Kerangoff
« On nous a alloué une baraque « française » Il fallait payer un loyer, mais qui n’était pas très élevé. » Leur maisonnette se situe à Kerangoff, sur la rive droite de Brest. L’un des 28 quartiers du genre. Elle fait partie d’un ensemble de 43 baraques toutes quasi identiques. Pas d’eau, ni d’électricité, au début. Encore moins d’isolation. Mais « il y a un toit, et c’est le principal ».
Lire aussi : Libération de Brest. « C’était le royaume de la débrouille ! »
La maisonnette est constituée de trois pièces mais n’est pas équipée. La plus grande, d’environ 16 m2, est la cuisine, avec un simple fourneau. La pièce la plus chauffée. Elle sert aussi de salle de bains. « On se lavait dans une lessiveuse. » Son grand-père y dort également.
Lire aussi : « Tout le monde a été impacté » : 80 ans après, la bataille pour libérer Brest hante les mémoires
Ensuite, il y a la chambre des quatre garçons, avec ses lits superposés. « Mes grands frères ne sont pas restés longtemps. Ils étaient plus âgés que moi et commençaient leur vie active. » La troisième pièce constitue la chambre des parents, avec le petit frère qui dort dans son berceau. Sa mère y fait de la couture. Son père est marin du commerce.
À l’arrière, dans le cagibi de deux mètres sur trois, le grand-père a confectionné des WC. La maison est bordée d’une plate-bande de terre d’un mètre de large, plantée de fleurs, et d’un lopin de terre pour le potager. Le linge est nettoyé au lavoir.
« Le lait a gelé… »
Les conditions de vie sont difficiles. Les murs sont très fins. « On a eu froid parfois. Le lait a gelé quand il a fait moins 8 °C. » L’été, l’atmosphère est parfois étouffante. « Mais dans l’ensemble, on vivait correctement. » Il va à l’école aux Quatre-Moulins.
Lire aussi : Libération. Comment Brest la meurtrie a scellé le sort de Lorient et Saint-Nazaire
« C’était un lieu de mixité sociale, même si la répartition dans les baraques était tout de même un peu dirigée », précise-t-il. Les baraques étaient attribuées en fonction du lieu de travail du bénéficiaire ou du métier. Au Bouguen-centre, les commerçants, les professeurs, des gens plus aisés. Pour les ouvriers de l’arsenal, c’était Kerangoff, Keranroux, Polygone ou Point du jour.
Des grands pique-niques
Les agents qui travaillaient dans les administrations comme la Poste ou les Douanes étaient aussi regroupés en certains endroits.
Dans les quartiers, les artisans ont installé leur atelier à l’extérieur de leur baraque : serrurier, matelassier, tailleur, etc. Il y a une épicerie. « C’était comme un village ! » se rappelle Ollivier Disarbois. Il y avait même un comité d’animation de quartier qui organisait des grands pique-niques incroyables. « Il y avait beaucoup de solidarité entre les gens. »
Selon Ollivier Disarbois, « il n’y avait pas d’insécurité ». En onze ans, « quelques bagarres, des assiettes par les fenêtres lors de disputes familiales… »
Le plus incroyable est que, sans qu’ils ne le sachent encore tous les deux, sa future femme, Maryse, vit à proximité de chez lui, également en baraque. « J’avais 4 ans quand on est rentrée à Brest après la guerre », raconte-t-elle.
La famille Disarbois est restée onze ans en baraque, à Kerangoff, sur la rive droite de Brest. Jusqu’en 1956. Jusqu’aux 16 ans du jeune homme.
Initié à partir des années 1950, le relogement dans les HLM, plus confortables, a été progressif. Il y a eu quelques irréductibles pour le refuser et manifester leur attachement à leur « petit coin de paradis ».
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/temoignage-apres-la-liberation-de-brest-il-a-vecu-onze-ans-en-baraque-cetait-mon-petit-village-of-fr-6-01-25/