A69 : ces élus et chefs d’entreprise soupçonnés d’avoir intimidé des opposants (reporterre-5/08/25)

La maison d’un opposant à l’autoroute A69 visée par des jets de peinture dans la nuit du 24 au 25 juin 2025. – Document remis

Fin juin, un groupe menait une action contre des opposants à l’A69. Reporterre a consulté un document où figurent les cinq suspects qui seront jugés en novembre : ils sont chefs d’entreprise, élus et sous-traitant de l’A69.

Par Justin CARRETTE.

Toulouse, correspondance

Des élus et des chefs d’entreprise pro-A69 ont-ils eux-mêmes mené une expédition contre des opposants à l’autoroute ? Dans un document que Reporterre a pu consulter, on apprend l’identité des cinq personnes soupçonnées d’avoir mené une action contre des opposants à l’A69 dans la nuit du 24 au 25 juin dans le Tarn.

Plusieurs pancartes affichant les noms d’opposants à l’autoroute affublés d’une cible avaient été disposées le long des routes et plusieurs maisons et entreprises appartenant à ces personnes avaient été aspergées de peinture rouge.

Lire aussi : A69 : « L’offensive violente » des pro-autoroute contre les opposants

Le 31 juillet, soit un mois après les faits, la procureure de Castres, Élodie Buguel, annonçait que cinq personnes avaient été placées en garde à vue, puis déférées devant le tribunal judiciaire de Castres et placées sous contrôle judiciaire, en attendant leur procès le 25 novembre pour des faits de « dégradations en réunion », « divulgation d’informations personnelles » et « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit ».

Deux d’entre elles le sont également pour « circulation avec une fausse inscription apposée sur un véhicule à moteur ».

Des entrepreneurs aux positions virulentes

Parmi ces cinq personnes soupçonnées d’avoir mené ce « raid » pour intimider les opposants à l’autoroute quelques jours avant un rassemblement festif contre l’A69 : cinq chefs d’entreprise, dont deux élus, un sous-traitant du concessionnaire et un de leurs camarades de rugby, tous favorables à l’A69.

On retrouve Guy Bousquet, dirigeant de la Jardinerie tarnaise, une entreprise spécialisée dans le jardinage, et président de l’association Via81, qui regroupe les plus fervents défenseurs de l’A69. Reporterre avait déjà enquêté sur cette association et sa page sur les réseaux sociaux pour souligner les propos virulents qu’on y trouve. « Il y a de quoi devenir violent contre ces racailles de zadistes, à quand une expédition punitive ? » peut-on notamment lire sur un commentaire du 27 mai 2024.

Autre suspect, Mathurin Castan, cogérant du groupe Castan, qui regroupe plusieurs sociétés de transport, dont certaines, comme TAF, spécialisée dans le transport de vrac pour les travaux publics, qui interviennent directement sur le chantier de l’A69. Le 2 mars, suite à la suspension du chantier de l’autoroute par la justice administrative, le groupe avait posté un message sur Facebook : « Arrêt du chantier A69. Chez nous, dix-huit conducteurs sont sans travail depuis jeudi midi grâce à une justice qui subit le diktat d’extrémistes ! »

Deux conseillers municipaux

Deux élus de Mazamet, l’une des principales villes du Tarn, sont également soupçonnés d’avoir participé au commando nocturne. Le premier est Benoît Puech, expert en gestion et conseil financier, qui est conseiller municipal en charge de l’environnement.

Le second, Frédéric Cènes, s’occupe quant à lui des questions liées à la sécurité. Ce dernier, ancien capitaine de l’équipe de rugby de Mazamet en Fédérale 1, est à la tête de l’entreprise Sermaz, spécialisée dans la conception et la fabrication de machines, notamment pour le groupe Pierre Fabre. La mairie de Mazamet, via la voix de son maire Olivier Fabre (divers droite), a toujours manifesté un soutien inconditionnel à la construction de l’A69.

Enfin, Paul-Henri Houlès vient compléter ce quintette. Ancien président du club de rugby Thoré Rugby Club XV dans la commune de Saint-Amans-Soult, il est également dirigeant de la société d’ameublement Copo, basée à Labruguière. Joint par téléphone, le chef d’entreprise assure « ne vouloir faire aucune déclaration sur cette affaire. Il y a un jugement prévu le 25 novembre et on s’expliquera à ce moment-là avec les personnes qui nous accusent de certaines choses ».

La connexion entre ces cinq hommes, au-delà de leur proximité géographique autour de l’agglomération Castres-Mazamet ou de leur amour pour le rugby, est à chercher du côté de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Tarn. Cet organisme, qui regroupe notamment de nombreux promoteurs de l’A69, a multiplié les prises de position en faveur de cette infrastructure autoroutière, notamment à travers une pétition signée par des centaines d’entrepreneurs, dont les cinq suspects mis en cause dans cette affaire. Tous sollicités par Reporterre, seul l’un d’entre eux a répondu à nos questions.

Après avoir été annulé en première instance devant le tribunal administratif de Toulouse le 27 février, le chantier de l’autoroute A69 a pu reprendre le 28 mai à la faveur d’un « sursis à exécution » prononcé par cette même juridiction. Désormais, les yeux sont tournés vers la cour administrative d’appel de Toulouse qui examinera le dossier en profondeur en novembre pour enterrer définitivement, ou non, ce projet d’autoroute controversé.

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Source: https://reporterre.net/A69-ces-elus-et-chefs-d-entreprise-soupconnes-d-avoir-intimide-des-opposants

URL de cet article; https://lherminerouge.fr/a69-ces-elus-et-chefs-dentreprise-soupconnes-davoir-intimide-des-opposants-reporterre-5-08-25/

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